Un gramophone public pour les bars Apparu dans les années 1930 aux Etats-Unis, l’origine du terme jukebox est floue, mais il semblerait qu’il soit lié à l’expression argotique juke-joint, dérivé du terme juke, pouvant être traduit par les termes désordre ou tapage en Gullah, langage utilisé par certaines communautés de descendants d’esclaves de Géorgie et de Caroline du Sud. Les juke-joints désignant certains bars dansants de l’époque, le terme jukebox s’impose alors naturellement quand il s’agit de nommer cet appareil destiné à un usage public qui vient remplir ces bars et bien d’autres. Le terme jukebox, de part sa nature argotique, ne sera généralement pas utilisé par les fabricants, mais son utilisation populaire par les clients des établissements et les amateurs de musique swing finira par le démocratiser.
Un gramophone pour les lieux publics
Appareil destiné à proposer de la musique dans les lieux publics comme les bars ou les clubs, le jukebox peut être techniquement considéré comme une évolution du gramophone (ou de l’électrophone) à usage public. En effet, le jukebox propose un catalogue de morceaux enregistrés sur des disques que l’on peut écouter après les avoir sélectionnés à l’aide d’un système de touches alphabétiques ou numériques. Équipé d’un monnayeur, il suffit d’insérer la pièce de monnaie nécessaire pour choisir son morceau favori. Un mécanisme sélectionne alors le disque correspondant et permet l’écoute collective du morceau. Ressemblant à un meuble, le jukebox est souvent de taille imposante afin de contenir une quantité de disques assez importante pour ne pas lasser les auditeurs. Par la suite l’évolution du design des appareils aura une importance non négligeable dans son succès, que ce soit pendant sa période de commercialisation, ou plus tard lorsque l’objet restera culte chez les audiophiles et très recherché des collectionneurs.
1945-1975 : Les trente glorieuses du jukebox
L’année 1946 marque un tournant dans l’histoire du jukebox. La compagnie américaine Wurlitzer sort le modèle 1015. Produit à plus de 60 000 exemplaires et appuyé par une campagne de promotion conséquente, ce modèle, à la forme arrondie et orné pour la première fois des fameux bubbles tubes qui feront la légende de la marque, connaît un grand succès. Capable de lire 24 disques sur une seule face, ses performances restent modestes mais un marché est né. Les autres grandes compagnies de jukebox des années 1950 tels que Rock-Ola, AMI ou Seeburg ne sont pas en reste, Seeburg démocratisant notamment l’usage du disque vinyle 45 tours à partir de 1950 en lieu et place du disque 78 tours. Les modèles standards des années 1950 contiennent alors une quarantaine de disques 45 tours.
Des années 1940 aux années 1970, l’industrie du juke-box connaît une période faste. On estime à plus de deux millions de machines la production au cours de cette période, qui associera à jamais le jukebox à l’essor de la musique rock’n’roll.
Il existe certains modèles originaux de jukebox comme le Seeburg 3W-1 ou le Wurlitzer 5250, jukebox muraux également appelés wallbox en anglais. La sélection des chansons jouées se fait alors à l’aide d’une télécommande, ce qui évite d’avoir à se déplacer pour changer de chanson. Certains établissements optent quant à eux pour le hideway, châssis mécanique dissimulé sous le bar, et relié à des wallboxes intégrées aux tables des clients, ceux-ci pouvant sélectionner leurs chansons sans interrompre leur repas ou leur discussion. Ces installations étaient très prisées des diners américains, établissements populaires de l’époque.
Déclin puis retour chez les collectionneurs
Suite aux évolutions technologiques et sociales, l’utilisation du jukebox chute à partir des années 1970 et les compagnies interrompent progressivement leur production. Suite à l’échec de son dernier modèle, le 1050, la mythique Wurlitzer USA arrête son activité en 1974. Cependant, le design particulier des jukebux permet à ceux-ci de survivre partiellement en se renouvelant. À partir des années 1990, les Compact Discs remplacent les disques vinyles, puis quelques années plus tard certains jukebox entièrement numériques font leur apparition, augmentant considérablement le nombre de titres disponibles via internet.
Malgré ce second souffle, l’écoute musicale s’étant largement individualisée de nos jours grâce aux baladeurs et à leur mobilité, le jukebox connaît un usage limité. Son âge d’or semble loin derrière lui et aucun projet ne semble vouloir moderniser ou renouveler le concept de jukebox. Aujourd’hui, il reste trois fabricants de Jukebox connus, Rock-Ola aux Etats-Unis, Sound Leisure Ltd au Royaume-Uni et Deutsche-Wurlitzer en Allemagne. L’essentiel de leur activité consiste à fabriquer des réplicas du Wurlitzer 1015 en modèle CD ou 45 tours.
Tout ceci fait toutefois le bonheur des passionnés, certains jukebox étant devenus de véritables pièces de collection, notamment le légendaire modèle 1015 de Wurlitzer ainsi que la plupart des modèles d’avant-guerre.